Entr'ouvrons ici (t'as déjà vu un verbe conjugué plus moche que ça ?) un volet de l'intime - un intime tout relatif, d'ailleurs, mais c'est histoire d'introduire la série.

La Taulière, depuis ses six mois d'âge (on lui a raconté) a une répulsion absolument TOTALE ET DEFINITIVE pour tout ce qui ressemble à un fromage, à un laitage, etc. Bref, pour tous les produits de la vache. Et donc à six mois il paraît qu'elle balançait une mornifle à toute cuiller de petit-suisse ou autre saleté de truc blanc, mou et à remugles de lait, qu'on osait lui présenter devant le nez.

Et ça dure encore. Alors écoutez, je n'y peux rien : l'odeur du fromage blanc me lève le coeur, celle du yaourt à peine moins, et je passe tout le reste sous silence (et à la poubelle direct), le pire du pire étant représenté (à mes narines) par les produits de la chèvre, et je ne mentionne que pour revomir une dernière fois la fragrance du Boursin. Bref, n'en parlons plus.

- Et la tradition françouèèse, alors ?? Pas de bon repas sans fromage, etc.
- Eh ben j'l'enchose à pied à cheval et en parapente, la tradition.

D'un autre côté, là tout de suite je peux vous faire la liste des dégoûts, non-goûts et autres tabous alimentaires de mes ami.e.s : pour l'une, pas d'anis - sous aucune forme ; l'autre, c'est le poivron, rédhibitoire. J'en sais qui détestent les champignons, d'autres qui prennent feu à la moindre pincée de piment. Une autre ne supporte aucun alcool, même un dé à coudre de rhum dans une pâtisserie. Etc. J'ai aussi en rayon quelques allergiques, des intolérant.e.s au gluten, et j'en sais un qui ne supporte pas même la vision des tomates cuites, qu'il assimile à des limaces. Ce même garçon effarouché par les rouges compagnes de l'été, je l'ai vu un jour manger sa salade verte, y trouver un limaçon encore vaillant et le poser sur le rebord de son assiette avant de continuer à fourchetter sa salade sans la moindre émotion, alors que moi j'avais déjà grimpé sur une chaise.

Un exemple extrême était un de mes neveux qui ne pouvait pas blairer... les pâtes !! Et depuis tout petit. Eh bien, il mangeait des patates, voilà tout.

Ah oui : j'ai aussi des potes musulman.e.s et ou véganes.

Que m'a appris tout ça ? La tolérance, mon pote. Ne pas chercher à rééduquer les autres quand ils ne mangent pas comme toi. Comprendre qu'on préfère ceci et pas cela, ou que les valeurs de l'autre ne sont pas les tiennes, ni sa culture. Que les modes de consommation évoluent. Ne pas désigner la personne comme bizarre, ne pas la questionner sans cesse "mais c'est une allergie ou quoi ?", etc. Et penser aux particularités des un.e.s et des autres en préparant un dîner, plutôt que d'infliger un civet à une végane, des lardons au musulman, un plateau de fromages à la Taulière...

Autrement dit, plutôt que d'appliquer systématiquement les goûts de la majorité au nom, justement, de cette foutue majorité, faire l'expérience de cuisiner en fonction de la seule personne qui ne mange pas de ceci et de cela. On y gagne, en plus d'avoir discrètement fait plaisir et ôté une appréhension à un.e convive, à découvrir d'autres aliments, ou une autre façon de les préparer, et d'avoir favorisé l'intégration de l'E.T. dans la communauté de la table.

Car oui, je vomis les "faut manger de tout", "moi, on m'a bien éduqué.e pour ça" (tu fais bien de préciser) et autres "t'as tort, c'est délicieux"...

A bientôt pour la recette 2 ;-)