En Turquie, Erdogan essuie de cuisants revers aux municipales, son parti, l'AKP, perdant deux villes "test" : Ankara et Istanbul

« Outre une économie en berne, le Parti de la justice et du développement (AKP) s’est heurté à un front uni de l’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP, centre gauche) et le Bon Parti (IYI, droite nationaliste) présentant un candidat commun dans les grandes villes. » lemonde.fr de ce jour

C'est pas chez nous que ça arriverait... Non mais dites-donc, frayer avec l'ennemi pour dégager Macron ensemble, vous rêvez ou quoi ?

Les types qui ont agressé une femme transgenre sur fond de drapeaux algériens sont des connards et des abrutis, c'est tout. Et bravo d'avoir fait ça le drapeau à la main, ça va beaucoup aider à éteindre le racisme anti-arabe en France.

Et maintenant, la "locale" qui tue : après l'expulsion de la "maison bleue" de Saint-Etienne le 21 mars dernier, en pleine trêve hivernale, (quel que soit le sens un peu frelaté de cette précision), des sans-abri occupent la Bourse du Travail, la municipalité porte plainte :

« Face à l’occupation de la Bourse du travail par plusieurs familles sans-abri depuis lundi soir, la ville de Saint-Étienne, propriétaires (sic) des locaux, a annoncé avoir déposé plainte et appelé "l’État pour que ce dernier assume pleinement ses responsabilités en contrôlant les identités de ces personnes qui occupent, à l’invitation de la CGT-Loire, des locaux n’ayant pas vocation à servir de lieux d’hébergement." Par un courrier, le maire Gaël Perdriau a également mis en demeure la CGT de "faire évacuer les locaux et rétablir leur usage initial." »

Perdriau, c'est l'énergie, l'efficacité même, le gros commerce chevillé à l'âme. Pour le reste, circulez.

Humour : dans la même page du Progrès, un encart « C'est à Saint-Étienne que les loyers sont les moins chers de France ».
Quand on vous le dit...

Cinéma : vous pouvez visionner la vidéo intégrale de FR3 sur "l'affaire de Besançon" (gilet jaune matraqué en pleine force par un flic), la journaliste qui avait publié des images montées ayant décidé, devant la polémique, de montrer l'ensemble "brut". Ca ne fait que confirmer que le Préfet du Doubs l'avait joué plutôt malhonnête sur ce coup-là. Bof, il ne risque pas grand-chose.

Autrement, allez voir, si c'est programmé dans votre ville, "Still recording", film documentaire syrien de Ghiath Ayoub et Saeed Al Batal, deux jeunes gars qui en ont éprouvé l'urgente nécessité. Filmé pendant plusieurs années sur le mode de la caméra embarquée, ce film suscite de bien curieuses critiques, comme dans Télérama qui lui accorde un seul "T" (= on aime un peu) et déplore le montage "laborieux".

Outre que "aimer" ou pas ce film est totalement hors sujet, dis-donc, le/la critique, je voudrais t'y voir, toi, au milieu de Douma pilonnée, entre un sniper et les militaires pro-Bachar, sous les bombes larguées par les MIG russes, à faire du montage avec de l'élec quand ça veut, dans un immeuble dévasté, sans bouffer et sans flotte, quand mettre le nez dehors est un pari insensé sur ta propre existence. Et qu'on t'y envoie non pas pour 3 semaines, mais pour 3 ans ! Les mecs qui ont fait ce film ont grave payé de leur personne, alors la critique, franchement, c'est à peu près indécent.

Qu'on puisse même imaginer d'écrire une critique de "Still recording", ça me troue, tiens.

Allez le voir, soyez patient.e.s, ça dure plus de 2 heures et parfois, on apprécie comme un bout de silence pendant que les armes se taisent, parfois on est suffoqué par la poésie d'instants surréalistes. Ames sensibles, même un tout petit peu, abstenez-vous. C'est pas du documentaire lavé, bien éclairé, cadré au cordeau. Le sang est vrai, il est filmé en très gros plan, comme la main immobile du type qui vient de se faire descendre, une grosse main de travailleur à tout jamais repliée. Et quand le vidéaste amateur met un pied dans la salle où sont étendus d'innombrables corps, eh bien il recule et il gerbe face caméra. Mais comme il a le ventre vide, il gerbe pas grand chose, voyez, c'est pratique. Où : comment faire ressentir au spectateur une odeur.

Bizarrement, pendant ces deux heures il arrive qu'on rie.

« Il y a eu l’euphorie des débuts avec la libération et l’autogestion de la ville par les rebelles, explique Saeed Al Batal. Ce film est une observation de ce qui s’est passé pour nous, pour toute ma génération, celle qui a cru à la Révolution. »

Plus d'info ici.

Mieux comprendre le contexte, ici.

Aller voir Still Recording est une démarche humainement indispensable. Ca remet tout en perspective, en place, et ça aide à comprendre comment la Syrie est devenue cet innommable merdier qui a déjà coûté la vie à 500 000 personnes, en a blessé 2 millions (le mot "blessé" ne rend pas compte de l'horreur, il signifie seulement, pour une partie d'entre eux, qu'ils / elles ne sont pas morts tout de suite).

La moitié de la population syrienne a été déplacée pendant le conflit, près de six millions de Syriens ont fui le pays, soit le quart de la population. De 100 000 à 200 000 personnes ont disparu dans les prisons du régime, de 12 000 à 60 000 ont été torturées. Les énormes marges d'imprécision entre les chiffres parlent d'elles-mêmes.

Cette dernière brève est plutôt longue. Cinq ans de guerre civile et de massacres, c'est long aussi.