Ou l'électro-jazz de Mark Guiliana en brent. La Taulière regarde, écoute et se marre...

Voici quatre ans qu'un concert live au Zinc Bar de NY (un de ces machins hype de la zik bien branchouille) lui avait grave mais grave retourné les esgourdes.

Aux claviers, un japono-américain qui a changé de nom - du moins n'a-t-il gardé qu'une partie de son patronyme, mais c'est bien lui qu'on retrouve ici dans un concert diffusé sur Jazz Night in America ("a weekly syndicated jazz programm that reflects our time" - et comment !).

Bref, au synthé et autres keys, c'est BIGYUKI aka Yuki Hirano. Inoubliable virtuose en état d'inspiration permanente, dansant, maniéré, élégant et mûri. Dans le live de 2014 il arborait encore une dégaine de post-ado en pull tennis, là il garde une figure hiératique de maître calligraphe. N'importe, la touch y est... Ca pulse, un bonheur.

Jason Lindner, super bidouilleur, fait une apparition sur "melodica" ; on l'a connu plus pianiste et plus radical à l'époque de Now VS Now , formation gonflée qui selon la Taulière préfigurait le jazz de (toujours) demain. Là, c'est Nick Semrad qui bidouille, donc. Bon.

La Taulière prise moins le bassiste mou Chris Morrissey. J'aurais bien aimé voir le même concert avec Stu "Bassie" Brooks, Canadien de Brooklyn roots et nerveux vu sur la scène du Zinc Bar, un type qui sait pourquoi il a un long manche entre les mains, alors que Morrissey semble toujours sur le point de s'y endormir. Non, c'est injuste : le jeu de Morrissey est précis et bien dosé, mais bon, ça manque d'enlevé, je ne sais pas, de spontané. Brooks n'hésite pas à faire claquer sa basse et il en sort une ligne mélodique parfois hâchée, mais bon, ça existe, ce qui n'est pas donné pour une basse.

En revanche, ce que n'oublie pas Morrissey, c'est de se dandiner. Et, à vrai dire, il n'arrête pas, non plus que ses comparses, à l'exception du maestro Guiliana, qu'on entend mieux sur ce concert comme (impeccable) compositeur que comme batteur. Guiliana a tellement épuré son jeu qu'on ne va bientôt plus rien capter, mais il est là tout de même, le bougre. Et il sert BIGYUKI comme personne, ces deux-là forment un couple de rêve (musical s'entend).

Ils se dandinent, donc, c'est la marque des new-yorkais apparemment, après tout pourquoi pas, ils font ça avec talent et si l'énergie circule mieux quand on bouge son corps, on va pas s'en plaindre.

Mais j'ai gardé le meilleur pour la fin : qu'est-ce qui a bien pu pousser ces champions de la beat music à se costarder en Casimir ? 4 Casimir dupliqués, version maigres, en survêt jaune safran, ça fait un effet certain, je ne saurais pas le définir mais moi ça m'a carrément fait marrer, voire empêchée de suivre le concert de visu. Un peu ridicule, et quel que soit l'effet recherché, c'est raté.

Mais bon, la zik c'est fait pour écouter...

Au final, le concert de 2014 est plus vivant, plus bricolé (en apparence seulement), plus inspiré. La version 2019 serait plus aboutie, plus conceptuelle mais y perd, du coup, de sa fraîcheur. Les deux sont traversés en tout cas par le surréaliste BIGYUKI, indéniablement le génie de la bande.