Préalable
Ce serait indigeste de vous infliger l'intégrale des aventures de la Taulière en cure, mais sachez, cher lectorat réuni, que je me roule par terre de rire presque chaque jour de cure que le bon dieu fait au dimanche près, jour de repos conformément aux saints enseignements.

On rit beaucoup, donc, pendant une cure, sauf :

- les jours de grève des TER où il faut écourter les soins et courir, harnachée de ses sacs et pieds nus dans les baskets (pas le temps les chaussettes) chopper le car départemental qui affiche gaillardement "Saint-Etienne" alors qu'il n'y va pas, mais s'arrête bien avant. - Mais, disoit le cocher d'un air jovial tout en redémarrant la diligence, c'est que la "girouette" (*) ne connaît pas les vacances scolaires... - 3 bus, 2 trams, une panne et deux heures plus tard, nous avions parcouru les 34 kilomètres séparant la Taulière de son domicile.

- elle ne rit pas non plus le jour où elle paume son "bon" bonnet de piscine, marque Arena, et elle y tenait, la Taulière. Ca lui permettait de frimer de la tête, car pour ce qui est des maillots de cette prestigieuse marque, ce n'est point "Entre ici, Taulière de la place Jean Moulin..."

- elle rit peu aujourd'hui enfin, où sous une pluie battante - mais battante, de celles appelées dans le Nord "draches", elle regagne la gare après un sprint d'un kilomètre en immersion totale, où son sac à dos gagne un kilo dont il n'avait pas besoin, et où, enfin à peu près sèche dans le train elle est aux prises à la gare de Sainté avec une autre drache - la même, en fait, qui l'a suivie - et une deuxième panne, durable, des trams...

Mais bon, à part ça, l'humanité curiste (dans laquelle la Taulière humblement s'inclut) lui cause bien du bonheur d'observations diverses et elle se marre, elle se marre... Bllllub, bllllb, psschhh psschh, bla, bla, ploutch, ploutch, pensez don', scrouiiiiign, hu hu hu, ha ha, bllllb, bllllb font les soins de cure, les pieds dans la flotte pendant deux heures ou le cul sur une chaise en attendant son tour... Et donc :

1 L'autre chemin pour la gare, gentiment indiqué par une voyageuse de l'extrême rencontrée devant "Cataplasmes, zone A", est en effet bien plus agréable que la nationale 89 que nous remontâmes les premiers jours. Déjà, il n'y a point de poids lourds. On circule dans une rue pavillonnaire paisible et, juste avant la gare, un petit pont traverse l'Anzieux, en ce moment "roulant" des eaux de couleur beige.

2 Tout le monde a entendu cette version ou une autre (car il en existe plusieurs) de la poétique déclinaison des îles bretonnes :
« Qui voit Molène voit sa peine,
Qui voit Groix voit sa croix,
Qui voit Sein voit sa fin... »

... Et qui voit Batistou voit la gare de Montrond-les-Bains.

Batistou, c'est la "fabrique artisanale de saucisses et jambon sec" qui se profile, rue de l'Anzieux, tout de suite après le petit pont et juste avant les rails. Aimable usine de cochonnerie dont aucune vapeur nocive ne s'échappe... (car tout est à l'intérieur, hum, bon appétit).

3 Le médecin thermal vu en amont de la cure, comme on doit le faire, a prescrit à La Taulière, qui se plaignait de ses poignets et de ses mains, des enveloppements d'argile pour les cervicales et les lombaires. Sans doute, si l'on souffre d'une gastro, faut-il prévoir de consulter ce praticien pour des maux d'oreilles ou une entorse. Dommage réparé par sa jeune collègue, mieux douée semble-t-il pour l'écoute.

4 Hier un groupe de curistes attablé dans le "coin d'accueil", dans le hall à gauche sous l'escalier, s'esclaffait à qui mieux mieux, haw haw haw !! à propos de la pauvre femme tuée et découpée en morceaux par sa collègue (procès en cours). Ce qui les mettait le plus en joie, c'est ce voisin qui avait vu la malheureuse tirée par les cheveux par sa meurtrière, peut-être quelques minutes avant qu'elle ne la trucide, et qui apparemment n'avait pas jugé bon ni d'intervenir - ce qu'on peut comprendre - ni d'alerter séance tenante, et aussi le fait que la pauvre victime était mal voyante, "le pompon" selon une dame au profil de tenancière de charcuterie (ce qui explique peut-être son appétence pour les récits sanglants).

5 La préposée aux "bains à bulle" remplit, à l'usage de la Taulière, sa baignoire quotidienne, mais... d'eau glacée. Serions-nous le 1er avril ? La pauvre jeune femme se confond en excuses, la Taulière rigole, une jambe gelée l'autre encore pas dedans. Vidange de 200 litres de flotte inutilisée, re-remplissage. La minette repart en oubliant de fermer le robinet (gros débit, vous en rêveriez, l'immense baignoire se remplit en 2 minutes chrono). La Taulière se détronche pour atteindre la clé de fermeture, mais avant qu'elle y parvienne, avec ses petits bras courts, inondation totale du box, on se croirait au milieu de l'Anzieux. Re-palanquée d'excuses de la jeune préposée qui repart de plus belle... et oublie de mettre en route le machin qui fait bouger l'eau (une sorte de tableau de bord de Boeing avec led clignotantes, voyants)... La Taulière trempe mélancoliquement dans de l'eau chaude immobile. Une collègue se pointe, secoue la tête avec commisération et actionne le truc magique, blllub blllb, c'est parti pour dix minutes de bulles. Si la Taulière avait su ce qui l'attendait dehors, elle aurait encore beaucoup plus apprécié ce petit tour en bulles de 32°C.

A l'heure où nous mettons sous presse, il pleut de plus belle mais nous nous rions de ces intempéries, bien au sec bien au chaud. Non sans une pensée pour la copine de Saint-Chamond dont la pompe de relevage (celle de sa maison, veux-je dire) ne fait pas son boulot tandis que des torrents d'eau se déversent dans les réseaux... Que l'architecte qui lui a "construit" sa maisonnette soit équarri en place publique et noyé dans ses propres eaux vannes, lui et ses 132 malfaçons majeures.