Scènes d'ici et de jours d'hiver

Toujours odeur de mort, d'arrachage, sur des parkings où gisent des centaines de sapins issus d'un maraîchage d'industrie défigurant nos pentes forestières à coups de tronçonneuse, non d'une pousse sereine dans une forêt froide baignée de doux rayons, avec promesse de grand âge et de majesté.

Dans ce bout d'avenue qui joint un site d'enseignement à un carrefour où foisonnent boutiques de junk-food et bistrots à haute teneur en testostérone, trois d'jeun's avancent comme "au pas" en écoutant une musique sidérante de ringardise, un truc qu'on aurait pu entendre vers 1950 ou 60 : choeurs d'hommes peu dégrossis, rythme de fanfare, piano criard, accordéon diatonique... Intriguée je m'approche et j'entends des mots sans équivoque racontant sur un air peu inventif une activité frénétique d'organes qui ne sont point digestifs, engrenée par un curé auprès d'une jeune personne enthousiaste, quatrains suivis d'un refrain entraînant où ça cause de gratter ("grat', grat', grat'...") un petit fauve domestique ronronnant de genre féminin (aussi répété trois fois, précédé au début de son déterminant). Non, je n'ai pas rêvé. Ces boutonneux de seize ans, penchés sur un smartphone, écoutent bien... des chansons de corps de garde ! A tout prendre, mieux que des cantiques gnan-gnan...

Nuées s'avançant à grand tapage de vent, rideaux humides, brumes, tout passe et régénère un vert hier tant soit peu assombri et maintenant somptueux de fraîcheur, des hautes futaies sapinières d'en face, qui n'ont été menacées par aucune furia décembriste. On se réjouit, regard et coeur...

Une autre furia : presse déchaînée contre grève dure, titres orientés, quêtes de charité, engagements divers et patron de France Insoumise jactant comme à son habitude, ne pouvant prononcer un mot qui ne soit un anathème, ce matin face à un présentateur radio abasourdi, qui tente de rasséréner un échange foutu d'avance. Efforts vains face à cet imprécateur-né enfermé dans son personnage, qui ne peut répondre juste "Non, je ne crois pas" et vitupère en ricanant à grand renfort de : "Mais, Monsieur Badou, POURQUOI est-ce que j'acquiescerais, etc.". Encore un qui devrait bien reformater son disque dur...

Mais voici, au moment de terminer cette chronique, qu'on regrette de s'être bêtement empêchée, avec ce jeu auto-imposé de suppression d'un signe en forme de section de cornière, omniprésent pourtant quand s'agit des mots censés chanter : jour qui vient et s'affirme, teintes roses et grises peu à peu chassées par un vent modeste qui dénude des portions d'azur très doux...

Raaaahh... Faut à la fin que je me délipogrammatise pour crier LLLLumière !! Clllarté pâlllle ! ciellll pastellll aux lllllueurs scintillllantes sur la colllline ! Non, CRISCO, au demeurant formidable outil de labeur textuel, ne peut pas tout pour la billettiste Taulière en mal de billes...

L'L reste infaillible, plutôt deux qu'une, pour s'envoler là-haut, s'envoler, griller Noël, libérer l'hiver...