Il y a quelques années, dans la préhistoire des téléphones portables (les smartphones n'existaient pas encore, c'est vous dire), si l'on voulait se dégager de son opérateur, il fallait désimlocker son téléphone (de "sim", la carte à puce (1), et "lock", verrouillage).

Cette procédure existe encore, mais se raréfie. Si vous êtes simlocké.e - enfin, votre téléphone - vous pouvez exiger de votre opérateur qu'il le désimlocke (je ne m'en lasse pas).

A cette époque (disons, au début des années 2000), on pouvait ajouter à son stock d'injures celle-ci : « Eh, va donc te faire désimlocker », ce qui n'était pas, comme on pourrait l'imaginer, un conseil à une jeune fille encore vierge, mais l'affirmation que le destinataire de l'injure était bêtement obstiné ou particulièrement bouché de la comprenette : en quelque sorte, son cerveau était verrouillé.

Aujourd'hui, sur cette source de non-information grouillante que sont les "actus" de Google, auxquelles je confesse être addict, je lis ceci : « Les premières victimes de “l’airbnbisation” des villes sont les plus précaires » (Le Monde.fr).

Chic, après l'ubérisation, un nouveau substantif à la prononciation pas évidente ("erbihènebisation") qui va forcément induire la conjugaison d'un néo-verbe : j'airbnbise, tu airbnbises, etc. Au plus que parfait du subjonctif, 2e personne du pluriel, on frôle le ravin : « il eût fallu que vous airbnbisassiez ».

Quand on pense que certains se plaignent de la fameuse "baisse du niveau" ! Non, mais : si vous n'êtes pas fichu d'airbnbiser votre appart, allez vous faire désimlocker, les parisiens !

Eh bien j'aime autant vous dire que tout ça ne vaut pas le verbe amélanchier (2) :

« Amélanchier : v.intr.
Présenter une agitation physique et verbale excessive face à un événement vécu comme contrariant.
Exemple : lorsqu'un homme politique soupçonné de malversations voit arriver au petit matin les forces de l'ordre au siège de son parti, s'il devient écarlate et invective en termes plus ou moins grossiers tout ce qui passe à sa portée, on dit qu'il amélanchie. »

Cette épatante définition est extraite du compte rendu, par ma pote Laurence, d'un atelier d'écriture qu'elle assure au café-lecture "Le Remue-Méninges" le lundi, et au cours duquel elle a donné en pâture au groupe quelques mots dont il fallait rédiger des définitions fantaisistes. Ainsi, maroufler (pour hommes seulement : au terme d'un réveillon savoyard arrosé, mettre les pantoufles aux mains et les gants aux pieds pour aller uriner dans la neige en écrivant son prénom).

Ou encore ce coup double bien envoyé :

Déblatérer : n.m - mot d'origine anglosaxonne ; se prononce "déblatéreur" : démonte-pneus en carton recyclé. Très écologique mais pas très efficace si on n'a pas le coup de main.

Enchifrené : adj.
Qualifie le déblatérer hors d'usage qu'on doit recycler : « Eh, le stagiaire, le déblatérer enchifrené, c'est pour la poubelle jaune ! »

================================================

(1) qu'on aurait pu tout aussi bien appeler "pucier", tiens, dans une acception différente de l'argotique plumard.

(2) Mais non... L'amélanchier, c'est pas un verbe mais un arbuste à jolies fleurs blanches qui peuvent faire penser au jasmin et, parfois, à feuilles comme ça :
amelanchier.jpg, janv. 2020