Sans aller jusqu'à "Persiennes persiennes persiennes persiennes", je voudrais juste signaler que ce matin, dans le tram, j'ai vu passer dans la rue une camionnette sur le côté de laquelle était écrit, en gros : "Poèmes - Volets" et sans doute autre chose que je n'ai pas eu le temps de déchiffrer. Il m'a fallu quelques secondes pour comprendre que j'avais dû voir, en fait, une camionnette d'entreprise dont le produit est mis en pub sur la carrosserie : "Portes - Volets" et peut-être encore autre chose.

J'aime beaucoup ces moments absurdes où on lit des mots qui n'ont rien à voir avec ce qui est réellement écrit dans l'espace public. Une de mes soeurs vit un jour, sans le comprendre, un panneau fléché indiquant, sur le parking d'une supérette : "Haricots", jusqu'à ce qu'elle remette les lettres dans l'ordre : "Chariots". Des haricots rangés et enchaînés un par un sous un abri...

De l'aléatoire naît presque toujours la poésie, même si c'est davantage vrai dans le domaine de la langue que si ça se présente en face de vous sous la forme d'un 38 tonnes roulant pleine gauche sur la départementale dans le virage qui mènerait normalement à votre domicile 3 minutes plus tard.

Plusieurs images se sont imposées à moi, à la suite de cette "écriture inconsciente" (puisque c'est bien notre regard qui, dans ces moments-là, écrit), mais c'était fugace et je n'avais rien pour prendre des notes (oui, RR, je sais, il faut toujours avoir un calepin avec soi).

Alors, en évitant les yeux "fenêtres de l'âme" dont les volets seraient les paupières et autres métaphores aussi laborieuses qu'une fin de nuit blanche alcoolisée et finie à la pizza Margherita, je me suis dit que j'allais réfléchir, comme ça, pour le fun, à une possibilité de poème à volets. Si vous avez des idées, n'hésitez pas.

Ca m'a aussi rappelé un sketch, visionné cette semaine, du délicieux Alex Ramires déniché sur YouTube : l'humoriste commence par camper le personnage du "mec archi-viril" (qu'il affirme fièrement ne pas être), et décrit les yeux du super-mâle "en mode meurtrières" (il illustre, et c'est très réussi, avec un regard filé et filtré). Puis il précise que chez lui, au contraire, les yeux (qu'il a très bleus), sont "des baies vitrées" et que l'on voit clairement "les émotions danser à poil derrière" - et il mime la petite danse ridicule des émotions. Ce sketch intitulé "La salle de sport", est très drôle.

La jeune génération des humoristes est vraiment très douée. En ce moment, je kiffe un max Roman Frayssinet, chez qui je flaire, au-delà des parcours classiques et généralement éphémères de ces stand-uppers, une carrière durable et consolidée. Son sketch "Je déteste mon corps" est non seulement désopilant, mais vraiment malin. Chez Roman Frayssinet, ce qui me botte, c'est ce qu'il fait passer, dans ses passages en scène, sur son rapport aux femmes, à l'amour, ou son rapport à autrui, tout simplement.

Ses chroniques assez engagées sur Canal - visibles aussi sur le net - sont des bijoux de 3 ou 4 minutes, un temps dans lequel il décortique à partir de l'actualité, en nous faisant beaucoup dilater la rate au passage, des valeurs et thèmes de réflexion essentiels, tout comme sa série "Migraine" où il campe Roman et son for intérieur aux prises avec des dialogues délirants dans des situations qu'on a tou.te.s plus ou moins connues. Bien entendu, les personnes de mon âge et de ma condition découvrent ce garçon de gros talent deux ou trois ans après qu'il a commencé d'officier. Ca fait rien, y a un temps pour tout ;-) ...

Big up, Roman ! Ce ne sont pas que des bons moments de rigolade, que tu nous offres, mais de petits cours de philosophie morale-l'air-de-rien.