Voici un aperçu à peu près objectif du programme d'immobilier commercial STEEL, propulsé par APSYS à l'entrée est de la ville.

Non que je veuille faire de la pub à cette agence : plutôt alerter sur ce nom et savoir que, lorsqu'ils pointent leur nez quelque part, il peut en résulter ça - voir article et vidéo, lien supra.

Cette dernière met en évidence l'énormité de l'implantation, son côté anarchique (aucune lecture architecturale, d'ailleurs ce n'est pas le propos, n'en déplaise à SUD Architectes et consorts et à leur baratin aussi ringard, dépassé, que leur réalisation), la gigantesque emprise du programme sur ce qui aurait pu être un espace naturel remarquable compte tenu du relief et de la végétation locale... et une zone-tampon végétale utile entre l'autoroute et la ville.

Voir aussi la végétalisation parfaitement ringarde, de celles qui étaient à la mode au début des années 2000, tendance minéralo-désertique : des bouts d'herbe de savane qui ne demandent aucun entretien et qui pourront crever tranquillement dans leur sol moquetté (!!!) sans déparer un paysage déjà dévasté ; une espèce de dessin au sol au rabais, qui a dû être refusé par toutes les écoles à qui on l'a proposé, et quelques arbres maigriots qui ne grandiront jamais (ce sont des espèces sélectionnées pour ça et parfaitement OGM, pour pouvoir subsister dans le bitume).

La toiture enfin, une débauche de ferraille d'aluminium dont on craint d'imaginer le poids : 30 000 m2 de cet épouvantable grillage coupe-frites pour lequel il a fallu extruder 45 km d'alu (un must de la démarche écologique et responsable), et dont on se demande bien comment un "designer" d'aujourd'hui a pu manquer autant de vision prospective pour l'imaginer... L'argument des architectes laisse proprement baba : "parce qu'il était inconcevable que, depuis l'autoroute, on ait une vue sur les toits..." (Le Progrès, mars 2019).

Or, depuis les tronçons d'autoroutes et autres 4 voies conduisant à Saint-Etienne centre, on sait que, venant de Lyon, Givors et autres cités de la vallée du Gier, comme sur la portion d'A72 qui pénètre la ville à partir d'Andrézieux-Bouthéon, on ne traverse, comme partout en France, que des paysages de rêve... Ces toits n'auraient donc pas particulièrement déparé.

A signaler que sur Google Maps, l'implantation réelle de STEEL est planquée : on dirait que c'est juste un point à côté de l'autoroute. Or, c'est faux : STEEL, beaucoup plus gros, occupe tout l'espace entre l'autoroute et la D32 sur un vaste triangle délimité au sud par IKEA et la rue Ferrer, jusqu'au nord par la rue Emile Zola (pour ceux qui auraient la curiosité d'aller y jeter un oeil) et défigure, comme s'il fallait parachever le travail, plutôt que remédier à la laideur existante, cette route/rue qui monte à St-Jean-Bonnefonds et depuis laquelle les très hauts hangars de STEEL bouchent toute échappée vers l'Ouest en termes de vue.

Il est donc évident que le coupe-frites géant n'est là que pour attirer le gogo depuis l'autoroute, site protégé où vivent et roulent les archi sans honneur qui conçoivent les centres commerciaux d'entrées de villes. Pour eux, tout se joue "depuis l'autoroute".

Quant à l'intérieur de STEEL, la liste des enseignes "partenaires" fait rêver... à un de ces centres commerciaux cheap de ces plates villes moyennes américaines des états les plus pelés, bâties tout en toc à la merci du premier ouragan venu : que des merdes à vendre - à acheter, donc - sous des hangars à très haute consommation de tous les matériaux les plus nuisibles pour la planète, dans des magasins eux-mêmes sur-consommateurs de denrées plastifiées. Un rêve, je vous dis, on n'en dort plus d'impatience.

Ce "projet" imbécile, imaginé par une équipe de crétins qui se sont noyés dans leurs propres éléments de langage (leur délire discursif, lisible sur le site d'APSYS à propos de STEEL, serait un régal à mettre en pièce(s) au théâtre - on imagine très bien une mise en scène particulièrement gore et déclavetée), a été conçu et se réalise, sans que rien n'y fasse : ni les oppositions diverses et variées, ni les manifs (timides il est vrai, tant l'opinion publique, ici comme ailleurs, est molle de la chique), ni les articles mettant en garde le maire contre ce projet dantesque. L'ouverture, prévue en 2018, a été repoussée en 2019 puis en 2020 - toujours au printemps - puis reportée au 16 septembre de cette année, ménagera sans doute quelques surprises.

Car entre temps, la dégringolade et la chute finale de quelques enseignes (la Halle, peut-être GEMO, Go Sport et d'autres sans doute à venir) sont venues créer du vide dans ce machin déjà pas surpeuplé d'offres. On espère, en dépit du gâchis énorme que ce serait, que STEEL ne fera pas de vieux os.

Hélas, les os seront vieux et durables dans le sol et sur le site, promis à un avenir à peu près aussi riant que la banlieue de Detroit, Michigan, USA - n'en déplaise à ceux qui titrent sur la renaissance de cette cité foutue, qui n'est qu'un surajout de tours moches pour créer l'illusion d'un nouveau centre qui laissera les alentours en ruine.

DETROIT.jpg, juil. 2020
(Ville de Detroit, image BFMTV).

Si ce n'était aussi pitoyable, il n'y aurait de drôle dans cette affaire que l'article du Progrès, notre canard local rhônalpin jamais à court d'humour involontaire : d'abord le titre "A Saint-Etienne le projet STEEL se précise" (en effet), puis les dithyrambes de rigueur et enfin, un.e rédacteur.e qui craque d'attendrissement : "Des arbres sont même déjà plantés" ! J'en pleure déjà.