Flash-back

Une heure du matin : je faisais ma ronde en refermant les fenêtres des chambres que j’ouvre en grand dès la nuit tombée pour rafraîchir la maison.

En passant devant le « puits de lumière », j’avise Loustic, de l’autre côté de la vitre, qui miaule, lui, pas du tout discrètement. Pas en mode « viens donc voir » mais plutôt « magne-toi d’ouvrir, j’me caille ». Oui bon, faut pas exagérer, cette nuit il doit faire dans les 22 degrés.

Explication : ce que les habitants de cette maison appellent « le puits de lumière », est en réalité un « chien-assis » entièrement vitré – côtés et toiture. Un truc qui vous garantit, au troisième niveau (celui des chambres sous les combles), 35 degrés dès la fin du printemps. Or, ce machin ne s’ouvre pas : il s’entrebaîlle juste de 2 centimètres par un vasistas au mécanisme d'apparence fragile. Pas de quoi se faufiler, même pour le chat le plus svelte, et pas question pour moi de casser la mécanique.

Après avoir raisonné (comme une gamelle vide) et essayé de faire comprendre à Loustic, à travers la vitre, que puisqu’il était monté là, il saurait bien rejoindre le plancher des chats, supposant de surcroît qu’il s’agissait d’une de ses balades habituelles, j’étais donc allée me coucher assez tranquillement.

Il faut dire que les chats de cette famille mènent une vie sans contrainte : ils entrent et sortent comme ils veulent, et c’est très bien ainsi. « La nuit, m’ont dit leurs parents, t’inquiète pas : s’ils sont dehors ils rentreront le matin, et s’ils sont dedans, y a la litière ».

Sauf que là, à cinq heures du mat’ sur la terrasse, l’ami Loustic semble bel et bien coincé sur son toit depuis, donc, quelque quatre heures. Et suffisamment en détresse pour que Lili soit venue me chercher.

Quésaco ? La réflexion nocturne, quand on a été tirée d’un sommeil profond, est un peu déficiente. Je me souviens tout de même de l’avoir laissé là-haut, certaine que son cinoche, devant la vitre, c’était juste qu’il avait envie d’entrer par un raccourci au lieu de « faire le tour ».

Et maintenant, seule dans la nuit finissante mais encore très obscure compte tenu de la couverture nuageuse, avec ce miron qui implore sur son toit, avance une patte dans le vide de temps à autre puis recule, et miaule doucement, la Taulière est bien ennuyée (euphémisme).

Faut dire que c’est pas n’importe quel chat, Loustic. J’y suis attachée pour des raisons familiales, Lili et lui font partie de mes proches, pour ainsi dire. Ils sont mes petits-enfants poilus (les autres sont encore imberbes). Cela dit, même si ce chat m’était totalement inconnu, il ne me serait pas indifférent.

Oui, je l’aime bien, ce petit Loustic. Et je ne voudrais pas qu’il lui arrive quelque chose de fâcheux. Donc je vais essayer de le sortir de là-haut. Comment ? Eh ben, on va y réfléchir... Lili est toujours assise à deux mètres derrière moi, elle ne s’en ira pas que je n’aie délivré son coloc, c’est clair. Et aussi clair qu'elle me fait confiance, ou plutôt, crédit. Et moi, dans tous les cas, je ne me recoucherai pas avant que le Loulou soit redescendu.

La Taulière n’est pas un modèle de souplesse et de musculature. Elle a l’âge de ses artères, qui sont âgées, un poids certain, une mobilité moyenne et, la septantaine doublée, une propension au vertige et au déséquilibre. L’escabeau (à compter que j’arrive à le hisser depuis le sous-sol, ce qui me semble exclu) n’est pas pour moi, ni moi pour lui.

S’agit donc de créer un truc en hauteur pour relayer le saut de Loulou avant qu’il rejoigne le sol.

Il y a bien cette desserte roulante, là, avec sa grande planche à découper (on dirait qu’ils font cuire des sangliers sur leur barbec’, les habitants d’ici)… Il y a bien, à la cuisine, un tabouret. Voyons…

(à suivre)