La desserte, en roulant, fait elle aussi criiii-criiii, et les bouteilles vides posées sur l’étagère du bas en profitent pour se faire la malle et cling-clanguer sur le béton de la terrasse.

Je peux l'affirmer à partir de là, soit le voisinage dort avec des boules Quiès, soit il est fait de ces gens qui vous laisseraient vous faire égorger sans sortir de sous leur couette. Parce que le barouf que je fais, sans compter les grommellements et autres appels que j’ai tentés avant, aurait déjà dû leur faire composer le 17. Supposons que je cambriole, hein ? Sans compter que j’ai l’air mariole avec mon échafaudage et ma chemise de nuit un poil trop courte, en train de faire "psst psst" à mon chat.

Oui, parce qu’entre temps, voyant que Loustic trouve toujours que c’est trop haut pour sauter, j’ai remplacé le tabouret par un banc de bois de la salle à manger, posé verticalement sur la desserte, surmonté d’une chaise (pour la réception) et de deux gros coussins pour ajouter de la hauteur et du moelleux. Et je continue de lui prodiguer des encouragements, au Loustic : appels câlins, etc. En vain.

Ai-je déjà mentionné ici à quel point je suis dépourvue de sens pratique ? Ca ne date pas de cette nuit, mais de ma plus lointaine enfance. Je crois que j’ai été langée trop serrée et laissée couchée trop longtemps, comme bébé : il se pourrait que ça m'ait fabriquée « pas dégourdie » à vie, et si cette déficience m'est parfois cruelle, présentement elle n'aide pas le pauvre chat coincé sur son toit à redescendre.

Loustic considère donc ma construction abstraite avec banc sur la desserte et continue de miauler misérablement, d’avancer le museau le long de la gouttière sans faire mine de sauter.

Au contraire : il multiplie les allers-retours le long de l’arrête du toit et semble vouloir me conduire vers le « puits de lumière »…. Il est cinq heures trente et la situation, à défaut de l’échafaudage, menace de rester stable. Il est donc temps de démonter celui-ci et de reconsidérer celle-là.

Ce que je sais des chats, c’est que lorsqu’ils tombent / sautent d’une hauteur moyenne, il y a gros risque qu’ils se cassent les pattes… ou les reins. En revanche, de plus haut, non. Il paraît qu'il leur faut une durée de chute suffisante pour se rétablir et atterrir sur leurs quatre pattes. Réalité physiologique, faux mystère ou fake ? C’est pas le moment de conjecturer, de toute façon le pire est assuré dans mes projections du moment.

Dans de brefs éclairs de lucidité, j’ai la vision d’un gros 18 blanc sur fond de camion rouge. Mais déranger les pompiers pour récupérer un chat peureux à 2 mètres du sol ? Quant aux voisins, n’en parlons pas, ils en écrasent toujours.

Tout de même, au bout d’un quart d’heure de statu quo dans l’obscurité, ayant constaté que le chat, visiblement écœuré par mon incompétence, s’en est allé tout en haut du toit, je me décide à rentrer et à monter jusqu'au 2e étage pour tenter tout de même d’ouvrir ce satané puits de lumière, qui pour l’heure ne m’en prodigue aucune. Mais penses-tu... Le machin reste bien fermé ou presque.

A cet étage la chaleur est accablante, elle a stagné toute la nuit. Tandis que j’examine le système d’ouverture du machin (qui ne fonctionne pas – ou alors c’est moi qui ne fonctionne plus), le pauvre Loustic derrière la vitre me regarde plein d’espoir et me parle « miaa, miaa » mais la vitre épaisse ne me permet pas de l’entendre, juste de voir sa bouille inquiète.

A court d’idées je décide, afin d’économiser mes pas, de mettre à profit ma présence en haut pour aérer en grand l’étage. Sait-on jamais, la solution me viendra peut-être, chemin faisant.

Et j’entreprends d’ouvrir grands les deux fenêtres et tous les Vélux.

Au premier d’entre eux que je bascule, Loustic apparaît dans l’ouverture et saute souplement dans la chambre avec le petit « mwrr » satisfait du gars qui fait ça tous les jours et qui, effectivement, rentre par où il est sorti la veille...

Lili, qui m’a suivie – et, je dois dire, soutenue moralement dans mes efforts avec une bienveillance de cheffe scoute qui encourage le petit gros un peu limité (et je ne parle pas de Loustic, là) – assiste au retour de son pote rouquin et tous deux, avant de rejoindre leurs lits (il squattent les couettes des parents) me regardent.

Ils ont l’air véritablement navrés par mon incompétence.

Par la suite, Loustic changera de chambre : avant, il dormait justement sous ce vélux, dans la couette de son papounet. Mais depuis, il a élu domicile au rez-de-chaussée, dans mon sac de voyage, parmi la lingerie. Je pense qu’il me croit capable de m'enfuir avant le retour des parents pour cacher mon forfait, de surcroît en l’oubliant ici et en le confondant avec une culotte propre (bien que je n'en possède point de couleur roux tigré...)

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C'était un petit feuilleton sur nos animaux et nous...

Je le dédie à la mémoire de Maït’soh, mon autre petit-fils poilu, dit « Nene », et à Mary, sa maman. Nene nous a quittés ce mois-ci pour aller piquer le galop dans les vertes forêts du grand repos, pleines de moutons dodus et de vaches tendres… Car Nene était un chien épatant, éduqué comme un gentleman par sa maman, aimable à l’humain mais grand poursuiveur de bétail qu’il valait mieux surveiller de près pendant les balades… C'était quand il était jeune et fringant, comme sur cette photo où il considère les paysages colombiens à l'arrière de la Dodge de 1964 achetée sur place par Mary pour descendre en Argentine. Car Nene était aussi un grand voyageur et sa vie fut aventureuse. J'irai te visiter là où ont été plantées des fleurs sur ton "coin", cher Nene !

de bogota a buga.JPG, juil. 2020