Les personnes qui ont vécu d'autres dimanches à 37° (dans leurs murs, pas seulement dans leurs corps) apprécieront le titre de ce billet. En un seul mot, deux chiffres et un symbole minuscule, c'est un poème express dédié à la douceur fraîche d'un air débarrassé des derniers scories d'une canicule discrète mais obsédante, qui fait maintenant l'ordinaire des étés en ville et nous a accablés tout le mois d'août, en particulier ces dix jours derniers, à quelques rares épisodes pluvieux près, comme si ces brèves respirations étaient destinées à nous maintenir en vie (une sorte de seau d'eau dans la gueule) pour pouvoir continuer à nous tourmenter.

La presse en ligne de ce dimanche est à peine moins indigente que d'habitude, les frémissements politiques de la rentrée agitant mollo les titres, comme cette brise de nord à 5 km/h qui balance faiblement la végétation en pots sur les fenêtres.

Un Mélenchon quelque peu échevelé (pas de sèche-cheveux à l'hôtel ?) accueille aux amphis d'été des insoumis Eric Piolle, le très médiatique maire vert de Grenoble, lequel poursuit sa tournée dans les partis dits "de gauche". Sa prochaine étape, dit-il, serait "les socialistes" (vague dénomination d'une espèce aujourd'hui disséminée et quasi mourante).

Une resucée du programme commun de 1972, lequel a mis 9 ans pour faire monter au pouvoir l'homme de droite le plus en vue à gauche, celui sous la présidence duquel la déréglementation bancaire a signé l'éclosion d'un ultra-libéralisme sans complexes dans lequel nous vivons nous tentons de survivre ?

En tout cas, Eric Piolle, à la différence du benêt Jadot, semble avoir compris qu'EELV n'a pas l'appareil politique nécessaire pour monter en première division. C'est ainsi, dans le jeu faussement appelé démocratie : il faut disposer d'une organisation (toujours pyramidale, notez bien, et toujours mâleblancquadragénaire++) propre à lutter avec les mêmes armes que les dinosaures de la droite en face, macroniens au cerveau reptilien compris. Et donc, EELV est condamnée à "composer", voire à épouser.

Est-ce en l'honneur de ces noces putatives que le fiancé Mélenchon s'est fait cette coiffure à la BHL ? Toujours est-il que Piolle se lance à corps perdu dans cet adultère au terme duquel Jadot pourrait bien le faire brûler - pardon : broyer et conduire à la déchetterie - en place publique.

Il y a bien là une scission qui s'opère entre le patron d'EELV qui croit malin de passer sous les fourches caudines du capitalisme le plus éhonté (il en sortira à poil, bien fait pour sa gueule), et les "maires verts" de 2020 qui commencent à être en vue et sont la première ligne d'un mouvement qui pourrait de nouveau montrer les dents aux échéances régionales de 2021. Si j'étais Macron, je ne compterais pas sur Jadot comme relais faire-valoir vert.

En tout cas, dans cette furia de grandes manoeuvres qu'on va nous servir pendant 18 mois, Jadot présente un modèle de politique tellement dépassé qu'il est à gréviniser d'urgence : il suffit de le voir gesticuler - je recommande de ne pas mettre le son, le langage non-verbal gagnant toujours à être décodé - dans la courte vidéo présentée par le Fig et dont la phrase titre ferait gondoler si on avait le coeur à rire : "Je ne vais pas laisser les écologistes se faire diviser par Mélenchon". Eh, Jadot, va donc t'faire diviser !

Dans la même page "d'actus", il est fait état d'une rixe survenue dans une rue de Palavas-les-Flots. Quand on voit ce qu'est Palavas, une espèce de foir'fouille géante, un haut lieu de la vulgarité la plus crasse, on ne s'étonne pas que les gens qui vont passer du temps dans cet enfer aoûtien soient de ceux qui font le coup de poing pour un regard de travers. C'est la "côte d'azur" des pauvres de Montpellier, une banlieue-sur-mer d'ailleurs desservie par les bus de la capitale régionale, un territoire dont plus de 20 % est fait de sols artificialisés. Un rêve de beauté, quoi.

Il n'en reste pas moins que la commerçante agressée, dont le récit visiblement très édulcoré raconte une altercation au cours de laquelle elle n'aurait pratiquement rien dit tandis que l'autre femme montait seule en ébullition, est tout de même une victime, elle a été frappée salement et son entourage aussi.

La vision de la rue dans laquelle ça se passe ôte l'envie d'aller découvrir cette commune qui, comme toutes ses voisines entre le Grau-du-Roi et Sète, a cumulé les outrages à la nature environnante et privilégié ce commerce de masse éhonté qui balade des milliers de frustrés rageux parmi des portants remplis de fringues à gerber, à portée de voix de vendeuses excédées par la chaleur et la foule qui les fait vivre (?).

C'est pourtant à Palavas qu'en juillet 1959 la petite Taulière découvrit brièvement "la mer". Elle se souvient assez précisément d'une route déserte, de champs jaunis, de terre brune et d'une mince ligne grise qui n'annonçait pas tant la mer que la modeste finitude des terres. C'était avant l'invasion de la foir'fouille et nous n'avions trempé dans l'eau que nos pieds jurassiens.

Aujourd'hui, dans la colline en face de l'Appentis, une couleur rousse qu'on pourrait hâtivement attribuer à l'automne prochain s'étend par taches de plus en plus larges au milieu des feuillus.

Ce n'est pas un effet de saison : ce sont des arbres secs, qui vont peut-être mourir. Des arbres, de plus en plus nombreux - vous pouvez en croire la Taulière qui arpente les flancs des collines dans et hors la ville - qui ne "repartent pas" en avril et qui restent ainsi, nus et bruns, au fil des mois. On les différencie de ceux qui se dénudent naturellement vers octobre, en ce qu'ils gardent au bout des ramures leurs feuilles séchées et raccornies une grande partie de l'hiver. Se sont-elles accrochées désespérément aux branches pour y chercher encore une humidité que déjà le tronc de l'arbre ne conduisait plus ?

Pour se documenter sur les trois catégories de sécheresses, à pas confondre, on peut regarder cette page de Futura-Sciences et surtout jeter un coup d'oeil stupéfait sur l'ahurissant reportage, publié sur la même page, du National Geographic : ce petit film de 3 minutes chante les louanges d'un système d'irrigation qui pêche la flotte dans la sous-couche californienne... Laquelle eau est salée : n'importe, un gars futé a trouvé le moyen de la dessaler (il faut la faire bouillir).

Il a donc installé, sur ces champs morts à perte de vue (une abominable illustration de l'agriculture à l'échelle américaine) un dispositif géant et à l'impact carbone sans doute assez coquet, au bout duquel sort l'eau miraculeuse après avoir été bouillie sur des conduites remplies d'huile chaude, à la vôtre. Ni la patronne du complexe agro-industriel (qui ressemble moins à une agricultrice que moi à Bernadette Soubirous - en particulier je suis nettement moins bien conservée que cette dernière), ni son interlocuteur, le bouilleur aquacole, ne semblent se douter que le principe même d'une pratique mortelle d'épuisement des sols (ni haie ni arbre à des kilomètres à la ronde, pas la moindre adventice, nul brin d'herbe) relègue le problème de l'eau loin derrière.

Ils en crèveront, et nous avec.

arbre sec.jpeg, août 2020